Le Ndjembe, chez les Myènè du Gabon

 

 

 

Le Gabon, un pays de l'Afrique centrale...

 


 
    Situé en Afrique centrale, le Gabon est une ancienne colonie française indépendante depuis 1960. Aujourd’hui comptant  près de 1 500 000 habitants pour 267 667 km² le pays est traversé par l’équateur, est voisin de la République du Congo, de la Guinée équatoriale, du Cameroun et est limité à l’Ouest par l’Océan Atlantique.
Faiblement peuplé, il compte près d’une cinquantaine d’ethnies parmi lesquelles on retrouve majoritairement les Fangs (au nord), les Punu (au sud-ouest), ainsi que les Myènè, à l’Ouest. C’est ce groupe ethnique qui fera l’objet de notre attention lors de cette étude.
    Les différentes ethnies qui constituent ce groupe, autant linguistique qu’ethnique, ont en commun non seulement la langue, mais aussi certains rites initiatiques, tels que le Ndjembe. Mais ce qui est appelé ici Ndjembe, sera, d’une ethnie à une autre, dénommé différemment. Les Galoa, membres du groupe susmentionné, ont principalement élu domicile à Lambaréné (capitale provinciale du Moyen Ogooué) et dans la région des grands lacs (lac ONANGA, OGEMOUE EZANG etc.). Dans cette culture, le Ndjembe, abordé précédemment, est le rite de passage, qui assure la transition entre le statut de jeune fille et celui de femme dite accomplie.
Par ailleurs, il est souvent associé à une société magique et quelques fois même démoniaque, donnant aux initiées le pouvoir de communiquer avec les génies et avec l’au-delà. Cependant, c’est un aspect du rite que nous avons choisi de délaisser pour s’intéresser principalement à la position sociale de la jeune fille avant, pendant, et surtout après le rite, étudiant précisément le déroulement du rite en lui-même.
    Il a déjà été abordé avant nous, essentiellement, et selon nos recherches, par André RAPONDA WALKER dans « Rites et croyances des peuples du Gabon » et Pierre AKENDEGUE, dans « Religions et Education traditionnelles en pays Nkomi, au dix neuvième siècle ». En ce qui nous concerne, nous en faisons dans ces travaux une simple description, à la mesure de nos moyens, sans aborder des détails restés d’ailleurs souvent secrets. En effet, la société des femmes Galoa étant une société ésotérique, celles qui en font partie, plus spécifiquement celles qui sont initiées, n’ont aucunement le droit d’aborder avec des étrangers la question des rituels dont elles ont fait l’objet, sous peine d’être victimes d’une malédiction terrible de la part des Ancêtres et ce, d’après leurs croyances.
    Toutefois, certaines d’entre elles, ayant été rassurées du fait que les chercheurs (en l’occurrence AWORET OBERDENO Régina dans son rapport de licence : « Les aspects psychologiques de l’initiation traditionnelle féminine dans la société Galoa ») n’avaient pas l’intention de percer les secrets de leur initiation, ont accepté de livrer, brièvement cependant, des informations sur le rite du Ndjembe, qui sont celles qui sont exploitées ici.
 
Il faut noter que la femme est réellement à l’honneur dans la parenté Galoa, car c’est elle qui perpétue le lignage appelé « Ozombi », au sein de cette société, matrilinéaire.
 
    Selon le mythe relatant l’origine de la société initiatique féminine des Galoa, le Ndjembe, celui-ci a été découvert par un homme qui, alors qu’il posait des pièges dans la forêt, a disparu brusquement. Il avait été appelé par des ancêtres qui lui remirent un secret, celui du Ndjembe. Apres cinq jours, une femme de la même ethnie le retrouva. Cette dernière, elle, avait découvert un autre secret ; un masque représentant la face d’un ancêtre, appelé « okukwè ». Ils rentrèrent donc ensemble et décidèrent d’échanger leur secret. C’est ainsi que les femmes récupérèrent le Ndjembe laissant aux hommes le second secret, l’okukwè, et qui deviendra le nom de la société initiatique masculine. De cette légende est né le rite que nous étudions ici.
     Ce rite, collectif, est un passage obligé pour les jeunes filles leur permettant d’être considérées dans la société galoise comme de réelles femmes, matures et accomplies. Admis par la communauté comme « la mère de la vérité » et considéré ainsi comme primordial, il se déroule souvent, contrairement à l’Akpema ou au Wonde Debbo que nous étudierons sous peu, sur une période de plusieurs années, pour assurer aux candidates à l’initiation une formation qui leur est indispensable.
 
    Dans la première étape du rite, l’aspirante doit, durant cinq ans, subir un certain nombre d’épreuves se déroulant dans la forêt, qui représente le lieu de connaissance profonde : résidence des êtres surnaturels, lieu de connaissance profonde, lieu de rencontre entre les vivants et les morts, ce qui renforce son symbolisme. D’ailleurs, dans cette ethnie, toutes les initiations s’y déroulent, car le village est considéré comme un lieu de conflit permanent. Dans «Rites et croyances des peuples du Gabon » Raponda Walker rapporte certaines épreuves subies par les néophytes, telles qu’aller chercher du feu en pleine nuit dans l’ «enclos » réservé aux séances du Ndjembe.
Elles se rendraient aussi, les yeux bandés, au pied d’un « arbre à fourmi» où elles doivent saisir avec leurs doigts, une de ces petites bêtes à morsure très douloureuse. Une autre épreuve douloureuse consiste en un bain pris dans un ruisseau après avoir été fouettées aux environs de midi, sous un soleil tapant, avec des feuilles d’orties.
 
 
Il faut noter que les différentes épreuves semblent être en rapport avec quatre éléments fondamentaux : l’eau, l’air, la terre et le feu et ont pour objectif de cultiver chez les jeunes filles des vertus comme le courage, la témérité ou encore l’endurance.
 
On retrouve par ailleurs, trois étapes bien spécifiques dans le Ndjembe:
 
  • L’étape d’aspirante ou « Ngondzè », correspondent à la phase de séparation définie par Van Gennep ;
  • L’étape d’affiliée ou « Omenga menga », correspondant, elle, à la phase de marge, phase intermédiaire ;
  • L’étape de « Ngwévilo », qui est l’étape suprême du rite, qui s’assimile à la phase d’agrégation ou de réagrégation énoncée par Van Gennep.
 
Ces étapes peuvent être assimilées aux différents statuts par lesquels passe la candidate lors de l’initiation, jusqu’au dernier stade, celui de « Ngwévilo », qu’elle peut atteindre seulement après de nombreuses années d’apprentissage. Ici, contrairement à l’Akpema par exemple, la finalité du rite n’est pas forcément le mariage de la jeune fille, mais plutôt l’évolution des initiées sur un plan spirituel.
 
    Le rite initiatique étudié fait donc acquérir à la femme une nouvelle dimension qui fait d’elle un élément prépondérant dans la structure de la société. Par ailleurs, elle se sent dès lors généralement plus épanouie, puisque les femmes non initiées sont habituellement exclues de toutes les activités des femmes initiées. Elle change donc radicalement d’identité et acquiert les rôles qui concrétisent son nouveau statut. Elle peut être dès lors pleinement ce que son identité sexuelle doit irrémédiablement l’amener à être : une femme et non plus une jeune fille, s’étant détachée de la naïveté et de l’immaturité qui la caractérisaient.
    Il faut noter que la jeune fille ex-candidate au Ndjembe devient non seulement une femme, mais une femme forte. Il ne s’agit pas ici d’une force physique, mais d’une force « spirituelle » qu’elle acquiert par le biais de l’initiation et qui fait d’elle une femme au sens traditionnel du terme. Ainsi, à l’issue du Ndjembe, elle peut prendre part aux décisions, et adulte, elle aura le devoir de veiller à son tour à la formation des jeunes générations